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Le Vieil Homme et l'Enfant

Par CHRISTELLE TORTECH, publié le lundi 6 janvier 2025 17:36 - Mis à jour le lundi 6 janvier 2025 17:36

RESUME: En 1943, fils d’un tailleur juif de Paris, le petit Claude se voit reprocher d’attirer l’attention de la Gestapo sur sa famille, juive, qui vit dans la crainte de la déportation, en volant au nez et à la barbe de l’occupant un tank dans un magasin de jouets. Il est envoyé chez des retraités de la région de Grenoble mais personne ne doit savoir là-bas qu’il est juif. Il est accueilli par un vieux couple sans enfants. L’homme, un ancien de 14, admirateur de Pétain, antisémite, mais brave, soignant son chien et refusant de manger ses lapins, se prend d’amour et de tendresse pour le petit Juif qui écoute si bien ce vieux « con », aussi gamin que lui. Copains, complices, ils savent presque tout l’un de l’autre et l’enfant quitte le couple dans un déchirement commun : le « Pépé » ne saura jamais que l’enfant ne s’appelait pas Longuet mais Langman…

SUJETS:

  • La construction du film
    Le film est construit par « paquets » de séquences, d’où une certaine indifférence du spectateur pour une intrigue, au sens ordinaire du terme. Les images fonctionnent en « échos » donnant ainsi une vision harmonique et non une attente de solution (l’enfant au lit avec ses parents, puis avec Michel Simon ; courses autour de la table ; enfants tondus et femmes tondues ; etc.)
  • La famille
    Définir tous les rôles que Michel Simon tient à l’égard de l’enfant. Comment celui-ci évolue-t-il à ce contact supra-parental, passant de l’état de gamin à celui de petit homme ?
  • La relation vieillard-enfant
    Le petit Claude est le seul personnage du film à « accepter » l’antisémitisme du Pépé, alors qu’il est lui-même juif. Voir comment ce pouvoir secret du gosse sur le vieux est plus qu’un bonheur : une nécessité — nécessité de rendre le vieil antisémite sympathique, mettant le spectateur du seul côté du gosse.
  • L’antisémitisme
    Chercher de quel ordre est l’antisémitisme de Pépé dans le film. Il n’y a chez lui ni conception globale de ce que pourrait être une race juive opposée à la race aryenne, ni idée de génocide ou de mettre en œuvre une quelconque « solution finale », mais un esprit râleur et une volonté de caractériser les juifs par quelques éléments physiques. Cet antisémitisme ordinaire n’est il tout de même pas dangereux dans certaines circonstances historiques ? Comment l’antisémitisme de Pépé est-il ridiculisé ?
  • L’histoire au service de la dimension humaine
    Comment l’individu et l’Histoire s’éclairent mutuellement. Comment il est plus intéressant de parler d’un antisémite à visage humain que de faire une leçon de choses. Cinéma humaniste.
  • Le son
    L’étudier à plusieurs niveaux :
    – chargé de l’Histoire (situation donnée par la radio)
    – chargé de créer l’atmosphère (dans la solitude du grenier, en famille avec sa charge conflictuelle)
    – chargé du charme : la voix de Michel Simon.
  • Les animaux
    Les animaux — oies, cochons, poules, lapins… — servent d’abord de lien dans la découverte de la nature et du monde rural par le citadin qu’est Claude. Pépé, par son physique, ses manières, son refus de manger ses lapins, fait un peu partie de ce monde animal. Étudier le rôle du chien Kinou. Il suit d’abord symboliquement le même parcours que l’image de Pétain. Il sert aussi à fixer les liens entre le vieil homme et l’enfant. Il est le substitut de l’enfant que Pépé n’a pas eu, traité comme un humain. Le fait que Claude accepte les relations — étranges aux yeux de nombreux humains « normaux » — de Pépé avec son chien facilite la relation entre les deux. L’enfant prend peu à peu la place du chien tout en rendant à ce dernier sa véritable identité animale, sans briser le lien affectif de Pépé avec la bête. Enfin, la tombe de Kinou scelle l’amitié entre les deux protagonistes.
  • Situation du film dans le cinéma français
    Entre Nouvelle Vague et Mai 68, entre l’esthétique du feeling et les préoccupations socio-politiques. Le problème de l’identification au cinéma — sur lequel la Nouvelle Vague a fait un forcing déterminant — est ici idéalement posé. Voyez l’importance de l’apparence, la laideur somptueuse de Michel Simon, la joliesse désirable de l’enfant, qui suscitent notre attachement aux personnages. L’heure du look des années 70/80 est en germe.

CLAUDE BERRI:

ANALYSE: